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Dans un univers économique marqué par la complexification des échanges et la montée en puissance des exigences réglementaires, la traçabilité et la transparence sont devenues des piliers incontournables du bon fonctionnement des activités professionnelles. Chaque acteur du tissu entrepreneurial, qu’il s’agisse d’une PME, d’une grande entreprise ou d’une collectivité publique, doit pouvoir garantir l’authenticité des données qu’il partage, la fiabilité des informations fournisseur et la conformité aux cadres légaux, tels que la LCEN, le RGPD ou la lutte anti-fraude dans les marchés publics. À l’heure où la digitalisation s’accélère, les méthodes traditionnelles de gestion centralisée du SIREN montrent leurs limites et appellent à une révolution technologique. Cet article propose d’explorer en profondeur l’opportunité d’ancrer le SIREN, cet identifiant unique de chaque entreprise française, dans un registre blockchain, afin de déployer un nouveau socle de confiance, d’efficacité et de souveraineté numérique.
Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un cadre législatif toujours plus contraignant. La Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN) impose notamment des obligations de transparence sur la diffusion de contenus en ligne, tandis que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) renforce les droits des personnes quant au traitement, à la rectification et à l’effacement de leurs données. Parallèlement, dans les marchés publics, les directives européennes et françaises exigent des procédures de candidature et d’attribution fondées sur des informations fiables et vérifiées pour chaque soumissionnaire. Enfin, les dispositifs de lutte anti-fraude, pilotés par l’Agence Française Anticorruption et la DGCCRF, se basent sur des données administratives à jour pour prévenir les tromperies et les abus. Dans ce contexte, une traçabilité irréprochable des identifiants d’entreprise, à commencer par le SIREN, constitue un enjeu critique pour garantir la conformité et limiter les risques juridiques.
Au-delà de la contrainte réglementaire, les entreprises sont à la recherche d’un espace de confiance où elles peuvent valider instantanément l’identité et le statut juridique de leurs partenaires, fournisseurs ou clients. Les directions achats, les services financiers et les responsables conformité subissent quotidiennement les conséquences de données erronées ou périmées : retards de paiement, ruptures de chaîne d’approvisionnement, contentieux, voire risques réputationnels. Selon une étude réalisée en 2022 par la Fédération des Très Petites Entreprises, 35 % des PME ont subi un litige en raison d’informations fournisseur non mises à jour, entraînant un coût moyen de 4 500 €. Dans ce contexte, un mécanisme fiable et automatisé pour assurer l’authenticité et la fraîcheur du SIREN renforcerait la confiance mutuelle, fluidifierait les processus et contribuerait à la compétitivité des organisations.
Depuis son introduction en 1973 par l’INSEE, le numéro SIREN (Système d’Identification du Répertoire des ENtreprises) constitue la référence officielle pour l’identification administrative des entités françaises. Attribué à chaque société ou organisme, ce code à neuf chiffres permet de centraliser les données clés : raison sociale, adresse du siège, forme juridique et date de création. Utilisé par les administrations fiscales, les organismes sociaux et les institutions financières, le SIREN est omniprésent dans les démarches de déclaration, de facturation et de suivi statistique. Plus de 4,6 millions de SIREN sont actuellement actifs en France, reflétant la diversité du tissu économique, du micro-entrepreneur à la multinationale.
Malgré son adoption massive, la gestion centralisée du SIREN présente plusieurs faiblesses. D’une part, la falsification des documents administratifs n’a cessé d’augmenter : en 2021, Europol a recensé plus de 14 000 cas de fraudes liées à l’usurpation d’identité d’entreprise au sein de l’Union européenne. D’autre part, le délai moyen de mise à jour des informations dans le répertoire Sirene atteint parfois 25 jours ouvrés, créant des zones d’ombre dans les chaînes de validation. Enfin, l’architecture en silo de l’INSEE limite l’interopérabilité avec d’autres registres professionnels, freinant l’automatisation et la synchronicité des données à l’échelle nationale et internationale.
La blockchain repose sur deux piliers fondamentaux : l’immutabilité des enregistrements et la décentralisation du registre. Chaque transaction, ou plus généralement chaque écriture de donnée, est horodatée, chiffrée et liée cryptographiquement à la précédente, formant une chaîne inaltérable. Par ailleurs, le registre distribué est répliqué sur l’ensemble des nœuds participants, ce qui élimine la dépendance à un tiers de confiance unique et renforce la résilience face aux attaques. Dans le cas du SIREN, l’application de ces principes garantirait que chaque modification (changement d’adresse, dissolution, fusion) est tracée sans possibilité de falsification, tout en assurant une disponibilité permanente de l’information pour tous les utilisateurs autorisés.
L’intégration du SIREN dans une blockchain pourrait transformer radicalement la manière dont les entreprises et les administrations échangent et vérifient les données d’identité. En accédant à un registre immuable et instantanément synchronisé, les services achats peuvent auditer en temps réel la conformité d’un soumissionnaire, les directions financières peuvent accélérer les processus de tarification et de crédit, et les plateformes d’e-procurement peuvent orchestrer des chaînes d’approvisionnement transparentes. Selon un rapport du Conseil National du Numérique, la tokenisation d’identifiants administratifs sur DLT pourrait réduire de 40 % les coûts liés aux contrôles manuels et aux litiges documentaires, tout en renforçant la confiance des parties prenantes.
Les fraudes à l’identité d’entreprise prennent de multiples formes : création de sociétés fictives, usurpation de coordonnées bancaires et falsification de documents officiels. En 2020, le Cas du “syndicat d’énergie” fictif dans le sud-ouest de la France a révélé des montages frauduleux d’une ampleur de 12 M€ en détournement de subventions publiques. La centralisation, malgré des contrôles a posteriori, ne permet pas de détecter en temps réel la naissance de structures malveillantes. De plus, l’absence d’un registre partagé et infalsifiable ouvre la porte à des circuits parallèles où les données SIREN sont vendues ou troquées sur le marché noir numérique.
Un des enjeux majeurs de la gestion centralisée réside dans le temps nécessaire à la prise en compte des changements administratifs. Par exemple, le transfert de siège social d’une entreprise peut mettre jusqu’à trois semaines avant d’être reflété dans tous les services de l’Etat, les registres fiscaux et les organismes de sécurité sociale. Ces retards génèrent des erreurs de facturation, des refus de consultation de dossiers et des difficultés de paiement, mettant en péril la fluidité des échanges. Dans un contexte de mondialisation, où les transactions sont souvent en chaîne et synchronisées au fil de l’eau, cette latence est un frein majeur à l’efficience opérationnelle.
Depuis 2019, plusieurs expérimentations blockchain ont émergé dans le secteur public français. Le « passeport vaccinal » pour l’UE, initié par la Commission européenne, et le projet de « fichier santé » sécurisé en DLT ont démontré la capacité de la blockchain à gérer des données sensibles avec des protocoles d’accès stricts et des mécanismes de consentement granulaires. En France, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a testé la traçabilité des subventions agricoles sur une sidechain dédiée, validée par des autorités de l’Etat et des coopératives locales. Ces initiatives ont permis de confirmer la faisabilité technique, mais aussi d’identifier les enjeux de gouvernance et d’interopérabilité avec les systèmes existants.
Au niveau européen, l’EU Blockchain Observatory & Forum accompagne les Etats membres dans la définition de cadres d’expérimentation et de normalisation. En parallèle, le Lab Blockchain du Ministère de l’Économie agit comme catalyseur pour fédérer start-ups, grands groupes et administrations. Ces groupes de travail soulignent l’importance d’une architecture hybride, où coexistent chaînes publiques et permissionnées, ainsi que la nécessité d’un alignement sur les standards ISO/TC 307. L’objectif est d’éviter la fragmentation et de garantir une cohérence régionale, qui facilitera ultérieurement l’import/export de registres numériques, tels que l’éventuel EU SIREN commun.
Pour qu’un registre SIREN sur blockchain atteigne ses objectifs, plusieurs conditions doivent être réunies. D’abord, la gouvernance du réseau doit associer l’INSEE, la CNIL, le Ministère de l’Économie et des représentants des entreprises, afin de définir les règles de mise à jour, de validation et de retrait des enregistrements. Ensuite, l’interopérabilité technique avec le système Sirene existant et les plateformes tierces (ERP, CRM, e-procurement) est impérative pour éviter les coûts de double saisie et les ruptures de service. Enfin, un modèle économique clair, basé sur un financement mixte public-privé et un schéma incitatif à l’adoption, garantira la pérennité du projet et répartira équitablement les charges entre tous les participants.
Plusieurs pièges menacent la réussite d’un projet aussi ambitieux. D’une part, la complexité technique et le recours à des solutions sur-couches peuvent générer des coûts cachés, liés à la formation, à l’audit et à la maintenance des smart contracts. D’autre part, une participation trop restreinte de validateurs risque de centraliser de fait le réseau, compromettant les principes de résilience et d’indépendance. Enfin, un manque de transparence sur les critères de consensus ou la gestion des forks peut fragiliser la confiance des utilisateurs et retarder l’adoption. Il est donc essentiel de privilégier une approche incrémentale, avec des phases de test rigoureuses et des bilans réguliers.
La blockchain assure la synchronisation de l’ensemble des participants par le biais d’un registre partagé. Contrairement à un référentiel central, chaque nœud maintient sa copie du registre, ce qui supprime la dépendance à une autorité unique et renforce la tolérance aux pannes. Dans le cas du SIREN, cela signifie qu’à chaque modification officielle, qu’elle provienne de l’INSEE ou d’une mise à jour validée par la communauté, l’information se répercute instantanément sur tous les nœuds. Ainsi, les processus d’authentification et de vérification peuvent être automatisés sans recourir à un tiers de confiance, réduisant les coûts et accélérant les délais de traitement.
Deux options de consensus sont particulièrement adaptées à un registre administratif comme le SIREN. Le Proof-of-Authority (PoA) repose sur un nombre restreint de validateurs agréés, offrant des confirmations rapides et des coûts faibles en énergie. Ce modèle s’inscrit parfaitement dans une logique de consortium public-privé, où l’INSEE, la CNIL et des opérateurs de confiance assument la validation. À l’inverse, le Proof-of-Stake (PoS) permet d’impliquer un plus large éventail de parties prenantes, qui verrouillent des tokens pour participer à la sécurisation du réseau. Chaque option présente des compromis entre décentralisation, performance et gouvernance, et devra être choisie en fonction des exigences de confiance et de scalabilité.
Pour automatiser les processus liés au SIREN, la création de « jetons SIREN » normalisés peut être envisagée. Chaque jeton contient un payload structuré (numéro SIREN, nom de l’entreprise, date d’émission, statut juridique) et des fonctions intégrées pour la vérification, l’horodatage et le verrouillage en cas de litige. Les smart contracts définissent les règles de mise à jour : seuls certains rôles (INSEE, notaires, juges-commissaires) peuvent soumettre une transaction d’édition, tandis que les autres participants peuvent la contester ou la valider selon un mécanisme de vote pondéré. Grâce à cette tokenisation, la traçabilité devient granulaire, et chaque changement de statut est immédiatement visible et irrévocable.
L’architecture idéale combine une autorité centrale, garant de la validité des modifications, et une communauté de nœuds diversifiée. L’INSEE joue le rôle de « chef d’orchestre », responsable de la création initiale du jeton SIREN et de la définition des schémas de données. La CNIL intervient en tant que gardienne des droits RGPD, validant les mécanismes d’effacement et de pseudonymisation, tandis que le Ministère de l’Économie assure la coordination avec les politiques publiques. Les nœuds opérés par des acteurs privés (éditeurs de logiciels, banques, assureurs) participent à la validation et à la résilience du réseau. Cette cohabitation de rôles garantit un équilibre entre efficacité, conformité et ouverture.
Chaque bloc du registre contient plusieurs champs essentiels : le numéro SIREN, la raison sociale, l’adresse du siège, le statut juridique et le hash cryptographique du document officiel de référence. À ces données de base s’ajoutent des métadonnées : horodatage UTC, origine de la mise à jour (INSEE, greffe, notaire), versioning pour gérer l’historique complet des modifications et un flag « suppressible » pour le traitement du droit à l’oubli. Ce modèle rigoureux permet de reconstituer, à tout moment, la trajectoire administrative d’une entreprise, avec une granularité inférieure à la minute, tout en offrant des garanties de conformité vis-à-vis du RGPD.
La création d’un nouveau SIREN sur blockchain s’appuie sur l’interopérabilité avec le système Sirene classique. Lorsqu’une demande de création est validée par l’INSEE, un smart contract génère automatiquement le jeton SIREN et le diffuse aux nœuds du réseau. Pour les mises à jour courantes (changement d’adresse, modification de forme juridique), les greffes ou notaires soumettent une transaction signée électroniquement.
Le processus d’archivage et de suppression est encadré par la CNIL : un bloc off-chain conserve les attributs sensibles chiffrés, tandis qu’un pointeur vers la transaction blockchain est conservé pour prouver l’existence passée du jeton sans exposer les données personnelles.
Pour faciliter l’adoption, une nouvelle API blockchain-compatible coexistera avec l’API Sirene actuelle. Les éditeurs de progiciels (ERP, CRM) pourront intégrer directement le module de vérification SIREN, tandis que les plateformes de facturation et e-procurement bénéficieront de connecteurs préconfigurés. Cela permettra, par exemple, à un service achat de déclencher une validation SIREN en quelques millisecondes avant de générer un bon de commande, ou à un assureur de récupérer automatiquement l’historique complet d’une entreprise lors d’une demande de couverture. Cette intégration fluide est cruciale pour réduire les freins au changement et maximiser la valeur ajoutée de la solution.
Dans le cadre des marchés publics, la blockchain permet de vérifier instantanément l’historique administratif des soumissionnaires, éliminant les risques de faux documents. Un cas pilote mené en Île-de-France a montré que la vérification SIREN basée sur DLT a réduit de 55 % les erreurs d’éligibilité et a accéléré de 30 % le lancement des consultations. Chaque soumissionnaire signe électroniquement son offre avec le jeton SIREN, garantissant l’intégrité du document et la traçabilité de chaque modification. Les audit trails immuables facilitent ensuite le contrôle a posteriori, réduisant les contentieux et renforçant la confiance des entreprises dans le process.
En industrie agroalimentaire, la traçabilité des sous-traitants est essentielle pour répondre aux exigences sanitaires et éthiques. En reliant les SIREN des différents maillons via un graphe interconnecté, chaque acteur peut vérifier le statut légal et le respect des normes de son partenaire. Lorsqu’un fournisseur est sanctionné pour non-conformité, un événement immuable est inscrit sur la blockchain, déclenchant automatiquement les alertes et les mécanismes de gestion des risques. Cette approche a permis à un groupe multinational de réduire de 70 % les litiges liés à la qualité, tout en améliorant la réactivité face aux crises sanitaires.
Pour les banques et les compagnies d’assurance, l’accès à des données certifiées réduit drastiquement le temps de décision et le risque de fraude documentaire. Un proof of concept réalisé avec une banque mutualiste a intégré les jetons SIREN dans leur workflow KYC/KYB, raccourcissant le délai moyen de trois jours à deux heures pour l’ouverture de comptes professionnels. Les scoreurs automatisés, alimentés par les métadonnées blockchain, peuvent recalculer en temps réel la solvabilité d’une entreprise, déclenchant l’émission instantanée de lignes de crédit ou d’assurances liées.
Les due diligences lors des opérations de fusion-acquisition nécessitent une reconstitution minutieuse de l’historique statutaire et financier des cibles. Grâce à un registre immuable, chaque modification de capital, chaque changement de dirigeant et chaque action en justice est consultable en quelques clics, sans recourir à des recherches multiples dans différents registres officiels. Les levées de fonds, quant à elles, bénéficient d’une transparence accrue pour les investisseurs, qui peuvent valider l’exactitude des engagements et des garanties fournies par la société. Ce degré de confiance accélère l’attribution des ressources et diminue les coûts de transaction.
L’utilisation de fonctions de hashing et de cryptographie asymétrique garantit l’inviolabilité des enregistrements SIREN. Le recours à des clés privées pour la signature des transactions empêche toute modification non autorisée, tandis que la réplication multi-nœuds assure une haute résilience face aux pannes ou aux attaques DDoS. En cas de tentative de modification frauduleuse, le réseau détecte immédiatement la divergence et isole le nœud malveillant, assurant la continuité du service sans perte de confiance.
Les titulaires de rôles (administration, notaires, greffes) et les utilisateurs finaux (entreprises, banques, assureurs) peuvent visualiser en temps réel le flux des mises à jour, consulter l’historique complet et auditer l’origine de chaque modification. Des niveaux d’accès granulaires permettent de distinguer les audits publics, pour la société civile et les chercheurs, et les audits restreints, pour les acteurs économiques soumis à des obligations de confidentialité. Cette transparence accroît la confiance, diminue les litiges et offre un retour d’expérience précieux pour l’amélioration continue des processus.
En supprimant les intermédiaires chargés des vérifications manuelles et en automatisant la traçabilité documentaire, les organisations économisent du temps et des ressources. Selon une méta-analyse de Deloitte, l’automatisation blockchain peut libérer jusqu’à 20 % du temps de travail des équipes conformité et réduire de 50 % les coûts opérationnels liés aux contrôles. Les workflows deviennent plus fluides, les premiers résultats apparaissent souvent dès les six premiers mois suivant le déploiement, et le ROI peut atteindre 150 % sur trois ans.
Les entreprises pionnières dans l’adoption d’un SIREN sur blockchain bénéficient d’un avantage concurrentiel significatif. Elles peuvent valoriser leur engagement en matière de gouvernance et de transparence, deux critères de plus en plus scrutés dans les évaluations ESG. Dans un sondage réalisé en 2023 par l’institut Ifop, 68 % des directeurs achats déclaraient privilégier les fournisseurs affichant des pratiques de traçabilité avancées et certifiées. Cet avantage différenciant se traduit par une image de marque renforcée et une attractivité accrue auprès des investisseurs responsables.
L’application du droit d’accès, de rectification et d’effacement sur un registre blockchain soulève des questions complexes. En raison de l’immutabilité native, la suppression pure et simple des données est impossible. Pour répondre aux exigences du RGPD, plusieurs pistes techniques sont explorées : le chiffrement avancé des données sensibles, le stockage off-chain des informations personnelles avec un simple hash en chaîne publique, ou la pseudonymisation renforcée. Dans tous les cas, des mécanismes de révocation des accès et de délai d’expiration des clés de chiffrement doivent être mis en place pour garantir le droit à l’oubli sans compromettre la traçabilité administrative.
Le droit à l’effacement prévu à l’article 17 du RGPD implique la suppression des données personnelles « sans retard excessif ». Dans un registre immuable, cette suppression est synonyme de retrait des clés de déchiffrement, rendant les données inexploitables. Une approche « off-chain » consiste à stocker les informations nominatives dans une base de données traditionnelle, sécurisée et contrôlée, tandis que la blockchain conserve uniquement des pointeurs et des empreintes. Ce compromis, validé par plusieurs CNIL européennes, concilie exigences légales et exigences de transparence.
Au niveau européen, le DLT Pilot Regime, entré en vigueur en mars 2023, offre un cadre d’expérimentation encadrée pour les infrastructures blockchain à but financier ou non financier, sous la supervision des autorités compétentes. En parallèle, la loi PACTE et l’ordonnance DLT française établissent les conditions de reconnaissance juridique des actifs numériques et des enregistrements en DLT. Ces textes prévoient notamment la possibilité de désigner un prestataire de services DLT qui tient un registre habilité, garantissant la valeur probatoire des transactions blockchain. Ainsi, l’ancrage du SIREN sur blockchain bénéficie d’un socle réglementaire robuste pour sécuriser juridiquement chaque étape du projet.
Pour garantir l’interopérabilité entre différents registres et assurer une harmonisation à l’échelle européenne, la participation aux travaux de l’ISO/TC 307 est essentielle. Les standards en cours de définition portent sur les schémas de données, les API, les mécanismes de consensus et les recommandations de sécurité. Par ailleurs, l’évolution de eIDAS 2.0, en cours de négociation, devrait intégrer la blockchain comme outil d’identification et de confiance électronique. L’alignement sur ces référentiels facilitera la mutabilité contrôlée du SIREN et ouvrira la voie à des échanges transfrontaliers fluides.
L’un des freins techniques majeurs reste la capacité du réseau à traiter un volume élevé de transactions par seconde. Sur une blockchain publique, les gas fees peuvent représenter un coût significatif si les mises à jour SIREN se multiplient. Pour pallier ce défi, plusieurs solutions de couche 2 sont à l’étude : sidechains dédiées, state channels ou rollups optimisés. Ces mécanismes permettent de déporter les transactions hors chaîne principale, tout en garantissant périodiquement l’ancrage des données sur la chaîne principale pour préserver l’immutabilité.
Si le modèle de consensus PoA repose sur un petit nombre de validateurs, le risque de centralisation se pose rapidement, menaçant la résistance aux tentatives de censure et la neutralité du réseau. À l’inverse, un modèle PoS trop ouvert peut diluer la responsabilité et rendre les prises de décision plus lentes. La mise en place d’un conseil de gouvernance, composé de membres institutionnels et de représentants du secteur privé, est donc indispensable pour arbitrer les conflits, valider les propositions d’évolution et gérer les forks éventuels, tout en garantissant la transparence des délibérations.
L’investissement initial comprend l’infrastructure matérielle, le développement des smart contracts, la formation des équipes et les audits de sécurité. Selon une étude du Cabinet McKinsey, le coût moyen d’un projet blockchain public-privé de cette envergure est estimé entre 2 et 5 M€. Toutefois, les gains de productivité, la réduction des litiges et la diminution des délais de mise à jour permettent d’atteindre un retour sur investissement positif dès la deuxième année. Les indicateurs clés à suivre incluent le temps moyen de validation des mises à jour, le taux d’adoption par les utilisateurs et le nombre d’incidents liés aux données d’entreprise.
Les smart contracts mal conçus peuvent engendrer des failles critiques, exploitées lors d’attaques zero-day. Un audit approfondi et continu du code, couplé à des programmes de bug bounty, est indispensable pour garantir l’intégrité du réseau. Par ailleurs, la maintenance des nœuds, la gestion des mises à jour logicielles et la supervision des performances nécessitent des compétences spécialisées, ce qui peut représenter un défi pour les organisations de taille modeste. Un plan de gouvernance opérationnelle, incluant procédures de secours et SLA, doit être mis en place avant tout déploiement à grande échelle.
La première étape consiste à sélectionner un périmètre réduit : un panel de PME, quelques collectivités locales et un échantillon de notaires et greffes. L’objectif est de développer un prototype fonctionnel, d’analyser les performances et d’ajuster les schémas de gouvernance. Des KPIs clairs (réduction des délais de mise à jour, taux d’adoption, nombre d’anomalies détectées) permettront de mesurer le succès et de préparer l’industrialisation de la solution.
Le succès de l’initiative repose sur une alliance équilibrée entre acteurs publics et privés. L’INSEE, la CNIL et le Ministère de l’Économie définissent le cadre réglementaire et assurent la supervision, tandis que les éditeurs de progiciels, les banques, les assureurs et les start-ups blockchain apportent l’expertise technologique et opèrent les nœuds. Les financements publics (subventions, crédits d’impôt) et européens (Horizon Europe, Digital Europe) complètent les investissements privés, garantissant la viabilité du projet.
À moyen terme, l’interopérabilité transfrontalière du SIREN pourrait conduire à un EU SIREN commun, reconnu sur l’ensemble de l’Union. L’intégration progressive du LEI (Legal Entity Identifier) et du SIRET offrirait un registre unique couvrant l’ensemble du cycle de vie administratif des entreprises. Cette harmonisation permettrait de fluidifier les échanges internationaux, de simplifier les démarches douanières et de renforcer la compétitivité de l’économie européenne sur la scène mondiale.
Pour réussir la mise en œuvre, il est conseillé d’adopter une gouvernance proportionnelle et évolutive, permettant d’ajuster les niveaux de décentralisation à mesure que le réseau grandit. L’intégration graduelle, par secteurs ou par région, tout en maintenant la compatibilité avec les back-offices existants, minimise les risques et facilite l’adoption. Enfin, l’implication active des utilisateurs finaux dans les phases de pilotage et de feedback garantit que la solution répond réellement aux besoins et aux contraintes du terrain.
La perspective d’un registre SIREN sur blockchain symbolise un tournant majeur dans la quête de souveraineté numérique et d’efficience administrative en France. En capitalisant sur l’immutabilité, la décentralisation et la transparence offertes par la technologie DLT, les acteurs publics et privés peuvent co-construire un écosystème de confiance, résilient et conforme aux plus hautes exigences réglementaires. Cette mutation ne se fera pas sans défis, mais elle ouvre la voie à une nouvelle ère où la traçabilité des identités d’entreprises devient un levier stratégique pour la compétitivité nationale, la sécurité juridique et la valeur ajoutée collective. L’heure est venue d’expérimenter, d’innover et de bâtir ensemble le socle d’un avenir économique plus transparent, plus agile et plus souverain.
Blockchain : registre distribué immuable composé de blocs liés cryptographiquement.
Smart contract : programme auto-exécutable sur blockchain définissant des règles automatisées.
DLT : Distributed Ledger Technology, terme générique pour les registres distribués.
Gas fees : frais de transaction payés aux validateurs pour le traitement des opérations.
Node : nœud du réseau participant à la validation et à la réplication du registre.
Consensus : mécanisme de validation des blocs (PoA, PoS, PoW, etc.).
SIREN : identifiant à neuf chiffres attribué par l’INSEE à chaque entité en France.
SIRET : identifiant SIREN + code établissement, pour distinguer les différents sites d’une même entreprise.
LEI : Legal Entity Identifier, code unique pour identifier les entités juridiques au niveau mondial.